Interview de Marc Papinutti*
En tant que représentant de l’établissement public chargé de la gestion du réseau de voies navigables, quelles sont, selon vous, les opportunités du transport de marchandises par voie d’eau ?
Le transport fluvial est loin d’être saturé, une récente étude pilotée par le BRGM a montré que le transport de fret actuel n’occupe que 20% de sa capacité. Il présente aussi l’avantage d’utiliser une infrastructure naturelle – l’eau – ce qui rend son coût d’utilisation nettement inférieur à celui des autres modes.
De plus, la plupart des grandes villes se sont construites le long des fleuves ce qui offre de fortes opportunités pour approvisionner ces agglomérations ou évacuer leurs déchets en évitant les camions et leurs nuisances en centre-ville tout en bénéficiant de la fiabilité du transport fluvial. Enfin, les responsables politiques prennent conscience des avantages des transports verts pour desservir leurs villes.
Quelles ont été les expériences menées en la matière et quel en a été le bilan ?
Franprix transporte des caisses mobiles (conteneurs) jusqu’au coeur de Paris. Les conteneurs sont ensuite déchargés et posés sur des châssis routiers qui approvisionneront ensuite près de 100 magasins. Ainsi, XPO (ex-Norbert Dentressangle) transporte près de 6700 conteneurs par an, soit près de 450 000 km de transports routiers en moins, et une réduction de 37% des émissions de CO2 sur la chaîne logistique complète.
Point P approvisionne ses agences en bord de Seine en matériaux pondéreux conditionnés sur palette. Cela représente 2000 trajets en camions en moins sur les routes par an pour 220 tonnes de CO2 évitées et 36 250 € de coûts externes ainsi économisés.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte dispose qu’il faut encourager le report modal vers des transports moins polluants, notamment le fluvial. Quels sont, selon vous, les leviers à activer pour encourager le développement du transport de marchandises par voie d’eau au sein des villes ?
Il nous paraît important d’encourager l’intégration de clauses permettant de favoriser le transport fluvial dans les marchés publics, clause déjà intégrée dans la loi pour la croissance et l’activité (Loi Macron).
Il faut également privilégier les aménagements de berges en milieu urbain permettant de préserver la mixité d’usage.
Enfin, nous nous attachons à rendre plus lisible les avantages du transport fluvial : plus propre, plus discret, de forte capacité, fiable et plus économique.
Pour participer à l’atteinte de ces objectifs, VNF propose des dispositifs de soutien aux projets :
• PARM (aides aux études, expérimentations & investissements);
• PAMI (aide à l’investissement et à l’innovation);
• Réseau régional d’équipes de développement.
Le fret fluvial en chiffres :
• Le domaine public fluvial français comprend 8 500 km de voies navigables, soit le plus long réseau d’Europe dont 6 700 km gérés par VNF ;
• 7,5 milliards de tonnes kilomètres ont été transportées par voie fluviale sur le réseau navigable national en 2015 ;
• Le fluvial représente ainsi environ 4% du transport total du fret en France ;
• 200 camions, c’est l’équivalent de ce que peut transporter un convoi fluvial** ;
• Le transport fluvial représente 2 à 4 fois moins d’émissions de CO2 par rapport au transport routier sur une distance équivalente**.
* Interview publiée dans le Journal du CDKL n°12 (Printemps 2016)
** Données VNF